Epuisette de pêche "riena ni kibe" de Kiribati
Matières : Bois miki-miki* ou ngea* (Pemphis acidula Forst), fibres de bourre de coco (Cocos nucifera - Palmae)
Techniques : Taillage, assemblage, tressage
Composées de trente-trois atolls et d’îles qui s’étendent le long de l’équateur dans l’océan Pacifique, les Kiribati sont habitées depuis 2000 ans par un peuple austronésien de Micronésie.
Entourés par la mer, le lagon et le récif, le rapport des Kiribati avec ces éléments rythme le quotidien de ses habitants. Utilisée comme source spirituelle et physique, comme aire de jeu ou de voyage, la mer offre également au peuple des ressources essentielles. La culture de la pêche quelle qu’elle soit (récolte de crabes et de palourdes tout autant que la pêche, en mer ou sur la plage) est plus qu’un simple moyen de survie, elle tient une place symbolique dans la vie des Kiribatiens (ou Gilbertins), à la fois rituelle et sociale.
La plupart des habitants sont ainsi familiers avec les noms des quatre-vingts à cent espèces comestibles fournies par la mer. Avec plus de cinquante méthodes de pêche différentes, chaque famille emploie sa propre technique, transmise par les ancêtres, qu’ils accompagnent de vœux magiques, selon la tradition, afin de faire une bonne pêche. Les Kiribatiens peuvent connaître les mouvements des bancs de poissons par rapport aux différentes phases de la lune, un savoir accumulé de génération en génération. En fait, les activités de pêche et d'agriculture sont toutes deux déterminées par le mouvement lunaire. Ils savent quand pêcher une espèce de poisson particulière ou quand cultiver en fonction de la phase lunaire.
L’une des techniques de pêche employée se pratique à marée basse, de nuit, durant la phase gibbeuse décroissante de la lune, dans l’eau peu profonde des récifs. Les hommes partent en expédition à la lueur des torches. Cette technique de « pêche à la torche » appelée kibe* se fait à l’aide d’une épuisette à manche long comme celle-ci, le riena ni kibe*.
Le cadre en bois de l’épuisette, tout comme la pièce transversale et le manche, sont réalisés avec du ngea* plus connu sous le nom miki-miki* (Pemphis acidula Forst) réputé pour être l’arbuste le plus résistant à la salinité et donc particulièrement adapté pour la conception d’outils de pêche. Le filet est conçu et noué par les hommes avec de la ficelle appelée kora réalisée par les femmes à partir de fibres de bourre de coco. Lorsque les hommes partent en expédition, l’homme qui pêche tient dans l’une de ses mains la torche enflammée faite de feuilles de palmier préalablement préparée par la femme. Sa lumière attire les poissons et les éblouit. Avec l’autre main, il utilise le riena ni kibe* pour les attraper. La femme est invitée à l’accompagner, chose plutôt rare, afin d’alimenter les torches.
L’épuisette présentée ici daterait de 1940-1950, une période de bouleversements économiques et sociaux pour les Kiribati qui font face au monde moderne. Issues de savoirs ancestraux, les techniques de pêche traditionnelle continuent à être utilisées face aux techniques modernes et au développement économique.
Les réserves du musée de Nouvelle-Calédonie renferment dix-sept objets des archipels des Kiribati, parmi lesquels, on distingue ceux liés à la pratique de la pêche dont une seconde épuisette riena ni kibe*, un chapeau de pêche, une nasse à poisson, un hameçon rotatif en bois et deux hameçons à requin.
*Les termes vernaculaires sont en gilbertin ou en tungaru