Pot à tabac et une pipe en terre cuite

Les objets du mois
Objet du mois de
Mai
Origine : respectivement Ducos et l'Ile des Pins, Nouvelle-Calédonie
Date : respectivement 1878 et 1874
Matière : terre cuite, bois et corne sculptés (pour le tuyau de pipe)

 

Durant huit années, de 1872 à 1880, la Nouvelle-Calédonie a été pour le gouvernement de la France territoire de déportation politique. En exécution du décret du 23 mars 1872, des insurgés de la Commune de 1871 y furent conduits de force pour purger leur peine dans les enceintes fortifiées de la presqu'île de Ducos et de l'île des Pins. Le premier convoi d'un millier d'individus arriva à Nouméa le 29 septembre 1972 à bord du convoyeur "Danaé". En 1874, on comptait environ 3500 "communards" dans le pays.

Parmi eux, se trouvaient de nombreux artisans et ouvriers d'art qui, ainsi que l'a écrit Georges Kling, constituèrent très vite une main-d'œuvre des plus recherchées. A temps perdu ou sur commande, ils sont à l'origine de créations plastiques et décoratives aisément reconnaissables tant par les thèmes traités que par leur facture soignée.

La sélection du mois de mai en présente deux exemples pour le moins représentatifs: une pipe en terre cuite fabriquée à l'île des pins en 1874 par un artisan anonyme et un pot à tabac modelé en 1878 à Ducos par Adolphe Bertrand (1). Avec ces objets, ce sont en effet deux des principaux leitmotiv de l'art des communards qui l'on voit traités, l'attachement à la République symbolisée par la Marianne au bonnet phrygien et l'exotisme colonial figuré par la figure lascive d'une femme kanak mollement appuyée sur une souche d'arbre et dominant, du haut de son couvercle, l'enclos d'une tribu. Avec le recul, on peut déceler une tension aussi révélatrice qu'impensée entre ces deux images. En 1878, la grande majorité des déportés de la commune, anciens combattants épris de liberté et condamnés pour leurs opinions républicaines, participèrent aux campagnes de répression du soulèvement des tribus kanak du centre-sud de la Grande-Terre. Louise Michel et une poignée de ses compagnons furent parmi les rares à s'y refuser.

Le 3 mars 1879, les déportés de la commune furent amnistiés à l'exception de ceux qui avaient été à nouveau condamnés lors de leur séjour dans l'archipel. Seuls quelques uns décidèrent de s'y établir définitivement. Les autres, la grande majorité, regagnèrent leur patrie. Parmi eux, nous dit Georges Kling, il y avait Louise Michel qui abandonna ses fonctions d'institutrice. "Reconduite au bateau par les Canaques [kanak], elle rapporta en France le premier recueil de légendes calédoniennes".

 

Les amis du musée de Nouvelle-Calédonie

 

(1) Adolphe Bertrand, né le 22 avril1837 à Paris, relieur de son état, et veuf et sans enfant, est arrivé en Nouvelle-Calédonie le 4 mai 1873 par le cinquième convoi de déportés, avec le matricule 1706. Condamné à la déportation simple, sa peine commuée en 7 ans de détention en 1878 et fut finalement levée en 1879 avec celle des autres déportés.