Tambour à fente

Les objets du mois
Objet du mois de
Juin
Origine : Ile de Manam, Province de Madang, Papouasie Nouvelle Guinée
Matière : tronc sculpté et gravé d'une seule pièce, peinture moderne

 

Les tambours à fente de la côte nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de Manam et des îles Schouten – appelés garamut en pidgin English – sont d'un style très proche de ceux du Fleuve Sépik voisin et cela s'explique par les relations soutenues qu'entretiennent traditionnellement les communautés des deux régions. Ils se différencient cependant par quelques traits morphologiques qui les rendent aisément reconnaissables: un corps relativement étroit à la coupe en amande, des flancs gravés aux motifs complexes et fortement imbriqués, des poignées sculptées de petites figures humaines, la face tournée vers le ciel et soutenues par des figures animales (Philippe Peltier, "Figures de tambour", 2002).

Ces traits se retrouvent dans le tambour conservé par le Musée de Nouvelle-Calédonie, mais les motifs gravés sur les flancs (requins, visages, oiseaux, poissons) s'y répartissent en deux registres suivant des axes de symétrie très affirmés, une disposition généralement présentée comme caractéristique de l'embouchure et du cours inférieur du Sépik (Philippe Peltier, idem). S'y ajoute par ailleurs une polychromie qui tranche avec la palette limitée à trois couleurs (noir, rouge, blanc) qui était encore en vigueur dans la première moitié du XXe siècle.

L'innovation n'est pas sans conséquence au plan visuel. L'application des couleurs, en privilégiant certains motifs, contredit ici le dessin volontairement compliqué de la gravure. En effet, l'enchâssement des figures des flancs et leur brouillage par superposition de signes annexes, d'appendices, de spirales et de dentelures répondent en principe à un projet initiatique: celui de ne pas donner à voir immédiatement le sens des motifs et de leurs métamorphoses, mais de le révéler à chaque étape du cycle des initiations masculines, lequel se déploie sur tout le cours d'une vie. Comme le souligne fort justement Philippe Peltier: "Lire l'image d'un tambour nécessite une éducation de l'œil". En délimitant certaines figures, la couleur réduit ici l'image à n'être plus qu'un simple décor. La différence est révélatrice des changements socio-culturels que connaît la côte nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée depuis plus d'un siècle maintenant.

Conservés dans les maisons des hommes, à l'abri du regard des non initiés (femmes et enfants), les tambours à fente de cette taille n'avaient pas pour principale fonction de transmettre des messages, mais de matérialiser la présence des ancêtres qui faisaient entendre leur voix lors des initiations ou d'un raid victorieux de chasse aux têtes.

Les amis du musée de Nouvelle-Calédonie