Pot à tabac en terre cuite

Les objets du mois
Objet du mois de
Octobre
MNC 2011.1.1ab
Origine : Attribué à Lucien Félix Henry (1850-1896), Nouvelle-Calédonie
Datation : probablement fabriqué entre 1872 et 1879 

Durant huit années, de 1872 à 1880, la Nouvelle-Calédonie a été pour le gouvernement de la France un territoire de déportation politique. En exécution du décret du 23 mars 1872, des insurgés de la Commune de 1871 y furent exilés afin de purger leur peine dans les enceintes fortifiées de la presqu'île de Ducos et de l'île des Pins. Le premier convoi d'un millier d'individus arriva à Nouméa le 29 septembre 1972 à bord du convoyeur "Danaé". En 1874, on comptait environ 3500 "communards" dans le pays.

Parmi eux, se trouvait Lucien Félix Henry, auteur probable du présent pot à tabac. Né en 1850 à Sisteron dans les Alpes-de-Haute-Provence, celui-ci était monté à Paris en 1867 pour suivre des cours aux Beaux-arts où il devint notamment le modèle du peintre et sculpteur Jean-Léon Gérôme. Militant socialiste, membre de la première internationale, il collabora au journal « La Résistance ». Au cours de la guerre franco-prussienne et durant la « Commune » (1870-1871), il est membre de la Garde nationale. Le 11 mars 1871 il est élu chef de la légion du XIVe arrondissement et le 3 avril participe à la sortie de Châtillon repoussée par les troupes versaillaises. Au cours de cette offensive malheureuse il est arrêté. Condamné à mort en 1872, sa peine est commuée à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Gracié en 1878, il s'installe ensuite en Australie où il connaît une certaine notoriété en tant que peintre. Les vitraux de la mairie de Sydney sont son œuvre majeure. Revenu en France en 1891, il meurt en 1896 au hameau du Pavé à Saint-Léonard-de-Noblat où il est enterré.

A l’instar de nombreux autres artistes, artisans et ouvriers d'art ayant participé à la « Commune », Lucien Félix Henry est l’auteur des plusieurs créations plastiques et décoratives, réalisées à temps perdu ou sur commande, et qui sont aisément reconnaissables tant par les thèmes traités (symboles républicains, exotisme colonial) que par leur facture soignée. Le présent pot à tabac en terre cuite en porte ici brillamment témoignage. Emergeant d’une guirlande de fruits et de plantes, le visage du guerrier figuré par Lucien Félix Henry s’impose comme une présence digne et sereine, toute en tension, qui contraste avec l’aspect caricatural de nombreux objets similaires de cette époque.

Patrice Godin pour les Amis du Musée de Nouvelle-Calédonie