Monnaie d'échange "Talipun" de la région Boiken de Papouasie

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Objet du mois de
Avril
Cette monnaie d'échange "talipun" en coquillage, fibre et plumes de casoar provenant de la région Boiken, dans la province du Sepik Est de la Papouasie Nouvelle-Guinée.
MNC 2004.4.37
Diamètre : 23 cm ; Largeur : 40 cm ; Hauteur de la figurine : 32 cm
Matières : Coquille d’escargot marin géant Turbo marmoratus, bois, fibres végétales,  plumes de casoar Casuarius sp., pigments naturels.
Techniques : Tressage, assemblage de plusieurs matériaux composites.

L’objet ici présenté provient de la province East Sépik de Papouasie Nouvelle-Guinée, et plus précisément de la région Boiken, un grand territoire qui s’étend du centre de la chaîne de montagnes Prince Alexander jusqu’à la mer de Bismarck (voir carte ci-dessous). Le groupe Yangoru-Boiken est connu pour sa riche production d’objets divers parmi lesquels les monnaies appelées talipun, qu’ils échangent avec leurs voisins, les Maprik, les Abelam, les Dreikikir, les Iatmul…

Carte de la région Boiken
La région du fleuve Sépik
Aire stylistique des groupes Abelam, Boiken, Yangoru, Dreikikir (entourés en rouge).
Carte tirée de Kaeppler, A. Kaufmann, C. et Newton, D., Oceanic Art, Citadelles et Mazenod, Paris, 1993, fig. 845.


Cette monnaie de grande valeur est généralement offerte en guise de dot pour la mariée ou bien comme compensation pour les dommages causées lors de conflits entre les tribus et les clans. Elle est aussi utilisée lors des cérémonies funéraires. 

Le talipun peut prendre des formes très variées et est composé de deux éléments dissemblables : la partie inférieure est taillée dans une coquille de gastéropode marin géant, le Turbo marmoratus, appelée communément turban vert, turban marbré ou escargot à turban appartenant à la famille des Turbinidae, sur laquelle est fixé par des ligatures végétales un masque, une figure  d’oiseau ou une couronne très stylisée en vannerie (probablement  du rotin) ou en bois sculpté.

Les Yangoru - Boiken se procuraient ces coquillages auprès des tribus du littoral et des îles côtières. Ils étaient échangés contre du tabac, de la nourriture et des bilum, filets réalisés par les femmes. Pour une idée de sa valeur monétaire, une coquille est généralement troquée contre six bilum.

La figure représente parfois un visage avec des yeux protubérants, recouvert de pigments naturels polychromés, d’argile et entouré de plumes de casoar. Ces masques évoqueraient des animaux imaginaires, des esprits, des ancêtres ou des totems claniques tels le calao, le cacatoès noir, le faucon noir ou le kangourou arboricole. 

Ron May, spécialisé dans l’art des Boiken, répertorie trois types de monnaie, les talipun mâle et femelle, et les koliava pourvues de pouvoirs spéciaux et conservées dans les clans et les familles (Michael Hamson, Art of the Boiken, 2011).

Dans les cérémonies de mariage, on recense jusqu’à vingt talipun  circulant dans les échanges. Ils sont alors présentés avec des anneaux en coquille de bénitier (Tridacna gigas) appelés weinka et placés ensemble pour former une représentation du corps de la future mariée : bras, jambe, tête, torse… 

Dans les collections du musée de Nouvelle-Calédonie, nous avons également deux autres monnaies talipun reproduites ci-dessous. La MNC 2001.8.2 (à gauche) est relativement complète au niveau de sa composition. Par contre, pour la seconde pièce, la MNC 2001.8.1, on constate que les plumes de casoar et les éléments constituant le visage ont disparu mais le dessin du masque marqué par la pigmentation naturelle est toujours visible sur le support principal en vannerie. La tige en bois, surplombant le masque, est cassée. 

Monnaies talipun de la collection du musée

Ces masques sont une des formes traditionnelles les plus importantes que l’on retrouve dans la région Boiken et ne sont malheureusement plus fabriqués aujourd’hui.