Massue Kanak

Les objets du mois
Objet du mois de
Octobre
gö porowâ râ mârü (en Paici)
Origine : Nouvelle-Calédonie
Date : Probablement collectées par le Général de Trentinian avant 1879
Matière : bois jaune et léger, tresse de poils de roussette

Cet ancien casse-tête bien que communément appelé « bec d'oiseau » se rapporterait en fait, à une tête de tortue de mer dans plusieurs langues kanak. Ce genre d’arme était utilisé pour la guerre mais pouvait également être brandi lors de discours ou bien porté au cours de danses. Le nom du bois en langue serait Demêkwi (en Xârâcùù) et Kwévâ (en Ajië-Arhö), ce qui correspondrait à l’espèce Berchemia fournieri, du genre Berchemia et de la famille des Rhamnaceae. La légèreté de l’objet laisse supposer qu’il s’agit ici davantage d’un objet de parade que de combat.

L’objet porte sur la tête une inscription manuscrite à l'encre : "Gage d'amitié (effacé) offert à Auguste par le Général de Trentinian, Nouméa, Nouvelle-Calédonie 27 Avril 1879 - (autre main) Mcluff (ou) Mcduff ". Le Général de brigade d’infanterie de marine Arthur-Ernest, comte de Trentinian (1822-1885) fut envoyé en Nouvelle-Calédonie par le gouvernement français afin d'enquêter sur les raisons pour lesquelles les Kanak s’étaient révoltés en 1878 contre la colonisation française. Il a signé un rapport sévère dans lequel il dénonce sans ménagements les responsabilités de l’Administration dans les causes de l’insurrection.

« Mu par un sentiment généreux, en prenant possession du sol, nous avons voulu réserver des droits aux Canaques, pour vivre en bonne harmonie avec eux ; Mais la colonisation a pris son essor, on a oublié les promesses premières, et l’on n’a pas songé qu’il en résulterait forcément une lutte avec celui dont on prenait le Territoire sans l’avoir conquis. ». « On aurait dû, puisqu’on foulait aux pieds les engagements, songer à cette loi qui régit les nations et qui elle-même cause les guerres Européennes : L’intérêt des peuples, leur condition d’existence […] Nous pouvions éviter ce qui est arrivé, c'est-à-dire que l’Administration aurait dû comprendre et forcer les Colons à être plus prudents, et prendre elle-même des mesures de précautions vis-à-vis des indigènes pour arriver à un modus vivendi acceptable de part et d’autre. Il n’en a rien été. »

Ce rapport fut assez vite ignoré et la carrière de Arthur-Ernest de Trentinian suspendue. Il sera élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'Honneur en 1884, un an avant sa mort.

 

L'association des amis du musée de Nouvelle-Calédonie

 

Réf. :
A. Meyer. Oceanic art / ozeanische kunst / art oceanien, Könemann Verlag, Köln. 1995.
R. Dousset-Leenhardt. Colonialisme et contradictions. Etude sur les causes socio-historique de l'insurrection de 1878. Paris , La Haye : Mouton & Co, 1970. ANNEXE 1 : Rapport du général de brigade A. de Trentinian, « sur les causes de l’insurrection canaque en 1878 », Nouméa, 4 février 1879, Archives de l’outre-mer.
S. Boubin-Boyer. Révoltes, conflits et guerres mondiales et dans sa région, TI, Ed l’Harmattan, 2008