Marionnette de théâtre d'ombres Wayang kulit
Longueur : 84,3 cm ; Largeur : 40,3 cm ; Hauteur de la figurine : 23,4 cm
Matière (s) : Cuir de buffle, encre, corne
Technique (s) : Poli, taillé et peint
L’objet ici présenté provient d’Indonésie. C’est un immense archipel, situé au point de rencontre des océans Indien et Pacifique. Il est constitué de plus de 17 000 îles. La capitale Jakarta est implantée à Java. C’est le quatrième pays le plus peuplé après les Etats-Unis. L’Indonésie abrite 300 millions d’habitants comprenant 375 groupes ethniques et c’est le plus grand état musulman au monde. Plus de 250 langues et dialectes locaux sont parlés dans tout le pays. Depuis son indépendance en 1945, la langue indonésienne, le bahasa Indonesia, dérivée du malais, a été adoptée en tant que langue officielle du pays.
Cette marionnette de théâtre d’ombres ou wayang kulit fait partie d’un lot d’objets offert au musée par le Consulat général de la République d’Indonésie de Nouvelle-Calédonie, par feu madame Catherine Suratno et les représentants des associations indonésiennes en décembre 2010, dans le cadre de la présentation de l’exposition « Batik, morining urip – Kain batik, le tissu d’une vie ». Ils furent intégrés aux collections du musée de Nouvelle-Calédonie en 2011. Ce partenariat a ainsi permis au musée de rappeler la mémoire de ces « Indonésiens du Caillou » qui ont œuvré au développement de la Nouvelle-Calédonie. Appelés « coolies » à l’époque, ils furent recrutés par l’Administration Coloniale sous la coupe du gouverneur Feillet ; ils sont arrivés en plusieurs contingents à Nouméa entre 1896 et 1949 en provenance de Java ; la majorité travaillera dans l’agriculture puis dans l’industrie minière ; Au total 20 000 javanais ont débarqués sur le territoire puis, ont été engagés sous contrat dans les plantations de café ou sur les centres miniers, ou encore les femmes employées de maisons chez les famille de colons, vivant parfois dans des conditions de vie très difficiles. Jusqu’en 1955, ils sont rapatriés en Indonésie à l’expiration de leur contrat et certains parmi eux font le choix de revenir en Nouvelle-Calédonie. A d’autres, l’Administration offre la possibilité de devenir métayers et d’obtenir la libre résidence en 1939 ; ils seront naturalisés français entre 1946-48. Près de 2 000 personnes se sont installées en Nouvelle-Calédonie et notamment dans le nord du pays à Poindimié, Koné, Voh, Hienghène puis progressivement sur Nouméa où l’on retrouve aujourd’hui la majorité des Calédoniens d’origine javanaise. Regroupée au sein d’associations très dynamique, ils perpétuent la mémoire de leurs Anciens.
Ce spectacle traditionnel et populaire de marionnettes, appelées wayang (signifiant « ombre »), est un théâtre d’ombres pratiqué depuis plusieurs siècles en Indonésie ; c’est en fait une performance scénique ritualisée pour à appeler les esprits des morts. Les « wayang », représentant des héros issus des légendes indiennes du Ramayana, du Mahabharata et du répertoire javanais du cycle de Panji jouent la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Ce spectacle est produit à l’occasion des grandes cérémonies et pour tout autre évènement de la vie quotidienne des Indonésiens.
Le marionnettiste, dalang manipule les « wayang » derrière un drap rétroéclairé par une lampe qui projette ainsi les silhouettes des ombres produites. Il donne également sa voix à tous les personnages, chante et dirige l’orchestre de gamelan, un ensemble de différents instruments de percussions traditionnels d’Indonésie, qui se trouve derrière lui. Quant aux spectateurs, ils peuvent s’installer des deux côtés lors des représentations et assister d’un côté au théâtre d’ombres ou découvrir les « coulisses » et contempler le jeu de l’artiste avec les belles marionnettes tantôt animées, tantôt plantées sur un tronc de bananier couché lorsqu’elles ne sont pas manipulées.
Le personnage que représente notre marionnette se nomme Batara Brahma, fils du dieu Shiva. D’après leur mythologie, il symbolise le dieu du feu et l’un des dirigeants du Kahyangan Suralaya (le royaume des dieux); Il s’agit ici d’un wayang « kulit » (signifiant « cuir »), fabriqué à partir de la peau de buffle provenant essentiellement du centre et de l’est de Java et de Bali. De forme plate, avec des bras articulés et des tiges sculptées dans de la corne le long du corps et deux autres plus petites attachées aux mains, qui permettent au dalang de manipuler la marionnette durant le spectacle ; on lui a peint un costume rouge vif. Aujourd’hui, bien qu’un grand nombre de « wayang » ait disparu, il en existe encore toujours plus de soixante formes en Indonésie uniquement et des variantes selon les régions et les matériaux utilisés. On peut citer parmi ces « wayang » : le wayang kelitik (marionnette plate en bois), le wayang golek (marionnette en ronde bosse), le wayang beber (rouleau en cuir sur lequel sont peints les personnages et les scènes), le wayang topeng (marionnette avec masque) ou le wayang orang (un théâtre dansé indonésien).
En Nouvelle-Calédonie, la communauté indonésienne, forte de plusieurs associations, et le Consulat travaillent ensemble pour continuer à transmettre ce patrimoine légué par leurs Anciens devant le public calédonien par des spectacles de danses, de chants ou en organisant des commémorations, conférences, expositions.
L’art du théâtre de marionnettes « wayang » a été proclamé chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2003 au même titre que le batik indonésien (technique d’impression sur tissu).